Il faut toujours regarder devant soi [Pv Ethan]

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Il faut toujours regarder devant soi [Pv Ethan] Xl9kjd

Le Hall d'Entrée. La dernière ligne droite avant de sortir de l'université. La dernière ligne droite avant les quelques heures de liberté quotidienne. Les lèvres maquillées de Kim s'étirèrent en un grand sourire franc, heureux. Elle ne détestait pas l'université, mais il y avait des jours où les heures de cours s'étiraient en longueur, semblant faire un pied-de-nez à la pauvre étudiante en cinéma qu'elle était. La blonde détestait ce genre de journées où, sans qu'on sache bien vraiment pourquoi, tout allait de travers, ne faisant qu'empirer une humeur de chien déjà présente. En même temps, je suis souvent d'une humeur de chien, songea-t-elle, pour rien, surtout. Plus tôt dans la journée, cette constatation l'aurait probablement fait se renfrogner, et grommeler plusieurs chapelets de jurons. Mais là, en cet instant, Kim se sentait tout simplement légère et heureuse d'être là, d'avoir achevé cette journée de dingue.

De dingue ? Oui, c'était bien le mot. Tout avait pourtant bien commencé. Elle avait eu deux heures de cours avant le déjeuner et s'en était sortie à merveille avec un exposé sur les grands classiques du cinéma asiatiques des années cinquante. Puis, dans l'après-midi, elle avait enfin rendu ce fameux scénario, terminé deux jours après l'échéance. Son professeur ne lui en avait pas tenu rigueur. Il ne lui en tenait jamais rigueur, de toute manière. Une autre que Kim aurait certainement profité de cet avantage, de cet ascendant pour tirer au flanc, pour se reposer sur ses acquis. Mais il s'agissait de Kim, et non pas d'une de ces filles populaires prêtes à tout pour faire augmenter leur cote de popularité. La jeune femme méprisait ce genre de personnes. Elle les trouvait fades, horriblement fausses et vides. Des coquilles vides, voilà ce qu'elles étaient, aux yeux de Kim. De jolies coquilles, certes, mais seulement des coquilles.

A seize heures, enfin, la sonnerie avait retentit, la libérant pour la journée. Elle aimait beaucoup cette sonnerie, surtout en fin de journée, qui sonnait comme un doux son de délivrance à son oreille. Je suis idiote, pensa-t-elle. Un jour, peut-être, lorsqu'elle aurait terminé ses études, peut-être, oui, que Kim écrirait un scénario sur ces années, passées à délirer sur les sonneries universitaires et autres plats de pâtes. Oh, elle passerait pour une hurluberlue, probablement. Mais elle commençait à avoir l'habitude. La plupart du temps, les gens la regardaient avec une pitié si mal dissimulée qu'elle en était insultante. La plupart du temps, ça finissait mal. La plupart du temps, Kim écrasait son poing droit sur le visage de ce genre de personnes. La jeune femme n'aimait pas ce regard mièvre, plein d'une compassion trop insuffisante pour être sincère et d'une pitié trop grande pour être crédible. C'était déjà assez difficile comme ça de devoir croiser les iris des gens qu'elle n'appréciait pas.

Décidément, Kim était résolument de bonne humeur. L'une des secrétaires de l'université passa devant elle alors qu'elle s'apprêtait à franchir les portes, en secouant la tête d'un air affligé. La blonde n'y fit pas attention et continua de sourire, se contentant de suivre la petite femme aux allures de belette du regard. Ce fut sa première faute. La seconde ayant été de croire que le garçon, qu'elle avait aperçu du coin de l'oeil, se pousserait sur le côté pour la laisser passer. Lancée comme elle l'était, depuis la porte menant aux escaliers, Kim frappa de plein fouet l'élève. Un couinement lui échappa lorsque son front entra en collision avec la tempe du type. La vache, grommela-t-elle intérieurement.

Elle recula, hésitante, une main sur le front, les yeux clos. Une grimace de douleur se peignit sur son visage lorsqu'elle palpa son crâne.

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Je levai les yeux rapidement, juste le temps de ne pas rater la première marche du perron. La volée qui venait ensuite suivait naturellement et je pouvais me replonger dans ma lecture. Il ne me restait que quelques pages et j’avais pour ambition de les achever durant le trajet qui me séparait encore de la bibliothèque. Les journées sans cours étaient toujours pour moi l’occasion de profiter des avantages qu’il y a à posséder une carte de bibliothèque à l’université. C’était sans doute le premier endroit que j’avais visité sur le campus après mon inscription et devant les rayonnages qui étalaient devant mes yeux ébahis tous les ouvrages possibles, je m’étais fait la promesse d’en lire le plus possible durant les trois ans que je devais passer entre ces murs.

J’étais de ces êtres étranges qui passent leurs journées dans les bouquins et qui retiennent absolument tout ce qu’ils lisent. Et tous les domaines avaient un intérêt à mes yeux. Je dévorais un ouvrage scientifique comme je pouvais savourer un roman ou me perdre dans les méandres d’un traité d’Histoire. Il m’était arrivé plus d’une fois de fermer un essai littéraire pour embrayer sur un abrégé de physique quantique avant de terminer par une étude affinée des fresques de la chapelle Sixtine. Ma soif de connaissance était sans limite et je trouvais toujours quelque chose de nouveau à me mettre sous la dent.

J’étais à cet instant en train d’achever le cinquième tome d’une aventure épique inspirée des légendes arthuriennes et la mystérieuse Dame du lac retenait bien plus mon attention que ce qui se passait autour de moi. Certes mes yeux enregistraient fugacement quelques détails de mon environnement comme ces marches que j’étais en train de gravir. Mais je ne laissais qu’une toute petite part de mon esprit disponible pour les interpréter. Juste assez pour ne pas trébucher mais trop peu pour éviter la collision.

Car il y eu collision et ces pages qui absorbaient tant ma concentration se retrouvèrent soudainement projetées au sol à cause du choc. Il me fallut quelques instants pour me remettre de ma surprise et pour que mon cerveau m’informe de façon claire de ce qui venait de se passer. La douleur à ma tempe fut sans aucun doute la première information à me parvenir précisément. Tandis que je m’accroupissais pour ramasser mon livre d’une main, je portai la seconde à mon front endolori pour le masser légèrement.

Dans cette position, la première chose que je vis de l’obstacle que je venais de heurter, fut une paire de jolis escarpins noirs qui enveloppaient tel un écrin les pieds d’une demoiselle. Tandis que je me relevais, mon regard remonta le long d’un jean parfaitement coupé qui ne pouvait mettre qu’en valeur les jambes de celle qui le portait. Rien à voir avec celui que l’arborais, si usé d’avoir été porté qu’on aurait pu se demander s’il avait été neuf un jour. Mes yeux poursuivirent leur ascension pour découvrir un sous pull de couleur framboise dont la classe n’avait d’égal que sa simplicité. Moi qui ne prêtais habituellement aucune attention à ces détails que je jugeais futiles, j’eus honte de ma chemise froissée et de ma veste blanchie aux coudes.

Je me redressai alors tout à fait pour faire face à celle qui en quelques secondes venait de me faire complètement oublier la Dame du Lac. En dépit de la grimace qu’elle esquissait, les traits fins de son visage, habillement soulignés par un savant maquillage, inspiraient à la fois douceur et force de caractère. Une cascade de cheveux blonds venait illuminer harmonieusement cet ensemble délicat. Ce genre de considérations de ma part m’étonna grandement, mais je n’eus pas le temps de m’interroger sur la cause d’un tel émoi car la belle ouvrit les yeux. Une fraction de seconde qui me parut une éternité, je me perdis dans ces iris aussi verts que les miens étaient bleus. Puis, sortant aussitôt de ma torpeur, je pris la parole, confus et désolé.

- Est-ce que ça va ? Je suis navré, je devrais plus regarder où je vais.

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Comme si je croyais en Dieu

Quelle idée de lire en marchant

En parlant de tête, je crois que j'ai amoché la mienne

Il est désolé, ça se voit

Non, non, c’est ma faute

Décidément, quelle gourde

Je ne suis pas normale, mais ça, ce n’est pas nouveau

Je vais bien, je t’assure ! Enfin, je veux dire, je vous.. Bref, ça va

Je crois que je vais devoir m’asseoir

Désolée

Elle est loin, fichue chaise

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La jolie blonde me considéra un bref instant avant de répondre. Elle prétendit avec douceur que c’était elle la responsable. Je fus étonné de sa réponse. Elle semblait plutôt le genre de fille à garder la tête haute sans se soucier véritablement des autres. Je ne m’attendais pas à ce genre de réaction de sa part et je fus flatté d’avoir ce privilège. Avant que je puisse ajouter quoi que ce soit, elle s’empressa d’ajouter qu’elle allait bien et que je n’avais pas à m’en faire. Mais la pâleur de son visage me disait le contraire et j’allais le lui faire remarquer lorsqu’elle attrapa la pognée de la porte pour conserver son équilibre.

La jeune femme s’excusa à nouveau avant de se diriger lentement vers le siège le plus proche. Je lui offris mon bras pour la soutenir sur ces quelques pas, mais il me sembla qu’elle n’avait pas vraiment conscience de l’avoir pris. Le malaise dont elle était victime semblait s’intensifier et j’avais le sentiment qu’elle se trouvait dans une sorte de brouillard. Lorsqu’elle s’effondra sur la chaise de plastique rouge qui se trouvait là, je m’accroupis en face d’elle. La couleur avait littéralement déserté son visage et si le rouge à lèvre n’avait pas été là pour le rappeler, j’aurais sans doute eut du mal à visualiser l’emplacement de ses lèvres.

- Tu as une sale tête. Tu veux que j’appelle quelq…

Je n’eus pas le temps d’achever ma phrase que je vis ses yeux se révulser avant de se fermer et qu’elle perdit connaissance. Réagissant rapidement, je me précipitai pour la soutenir et l’accompagner dans sa chute afin de lui éviter un choc brutal avec le sol. Je déplaçai alors la chaise afin de pouvoir poser les pieds de la jeune blonde dessus et surélever ainsi ses jambes. De cette façon, le sang pourrait refluer plus facilement vers le cerveau et le malaise vagal se dissiperait.

Autour de nous, les étudiants commençaient à s’amasser à mesure qu’ils s’arrêtaient pour voir ce qui se passait. Comme souvent dans ces circonstances, les curieux étaient nombreux mais rares étaient ceux qui songeaient à agir. Agacé, je leur fis signe de partir, que je contrôlais la situation et leur demandai de circuler. Un attroupement n’était certainement pas le meilleur remède pour cette jeune femme. Reportant mon attention sur elle, je retirai ma veste et la roulai en boule pour la placer sous sa tête. Déjà quelques couleurs revenaient sur son visage et elle ouvrit les yeux.

Mon soulagement me fit prendre conscience que je m’étais inquiété. Cependant, j’avais su garder mon sang froid et je ne m’en étais pas aperçu jusqu’à cet instant. La jolie blonde fit mine de se relever et je posai une main sur son épaule pour lui faire signe de rester allongée.

- Reste comme ça une ou deux minutes, le temps que ça passe tout à fait. Après je te raccompagnerai chez toi.

Rassuré de voir qu’elle allait mieux, je m’assis en tailleurs à côté d’elle pour attendre que le malaise se soit complètement dissipé. Elle semblait un peu perdue, désorientée par la brève perte de connaissance. Sans doute son esprit était-il encore un peu embrumé. Mais je trouvais cette soudaine fragilité séduisante. Je me gardai bien cependant de montrer quoi que ce soit. Le moment était particulièrement mal choisi pour faire e genre d’allusions et ce n’était pas mon genre de draguer à tout va. À bien y réfléchir, ce n’était pas mon genre de draguer tout court d’ailleurs. Au bout d’un moment, je demandai :

- Tu te sens mieux ?

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Moi et le mystère

ça fait trois.

Oh ça va, je suis assez grande pour me prendre moi-même en charge

Et inutile de me ...

Tu portes des lentilles ?

Désolée, c’est débile. J’ai dû me cogner contre toi un peu trop fort

Merci

Je ne t’ai pas demandé ton nom. En même temps, je n’en ai pas eu l’occasion..

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Alors même qu’elle retrouvait des couleurs et le l’énergie, la jeune femme retrouva par la même occasion sa hargne et sa méfiance. Elle me fit alors clairement savoir qu’elle n’était pas intéressée par ma proposition. Je ne lui tins pas rigueur de son manque d’amabilité. Sans doute devait-elle penser que mes intentions allaient au-delà de ce que je voulais bien dire et j’aurais été bien mal venu de lui en vouloir de sa méfiance. Je n’avais aucun mal à en deviner les raisons. Ces mêmes raisons qui faisaient que j’avais préféré une vie de nomade solitaire ces dernières années et que je n’avais noué encore aucun contact depuis la rentrée.

J’aidai donc la jolie blonde à se redresser sans faire de commentaire, déclenchant à nouveau ses protestations. Le flot de grognements fut néanmoins rapidement interrompu et je vis son expression passer de la mauvaise humeur à un étonnement non dissimulé. Elle me fixait droit dans les yeux, bouche bée et je n’eus aucun mal à deviner la cause de sa surprise. La couleur surprenante de mes iris avait toujours eut le don de créer l’étonnement et particulièrement lorsqu’ils changeaient de couleur. Moi-même, à moins de me trouver face à un miroir, j’étais incapable de déterminer quelle teinte mes yeux affichaient à chaque moment de la journée. Je me souvenais de ma grand-mère lorsque j’étais enfant qui prétendait qu’elle pouvait deviner mon humeur rien qu’à la nuance de bleu, de vert ou de gris que mes iris changeants arboraient. Et malgré ma tendance à camoufler mes sentiments, elle ne s’était jamais trompée. Peut-être un jour quelqu’un parviendrait-il à me aussi bien pour être capable de la même prouesse…

La tentative de la jeune femme pour trouver une explication rationnelle à ce mystère me ramena à la réalité en dessinant un sourire amusé mais pas moqueur sur mes lèvres. L’attroupement autour de nous s’était peu à peu dissipé et les étudiants avaient maintenant repris leur chassé-croisé habituel sans plus se préoccuper de nous. Aidant ma camarade à se relever tout à fait, je répondis.

- Non, c’est leur couleur naturelle.

Constatant qu’elle tenait correctement sur ses jambes, je m’écartai un peu pour ramasser ma veste et lui fis à nouveau face. Tandis que j’époussetai un peu le vêtement avant de le renfiler, elle récupéra son sac. Radoucie par rapport à l’instant d’avant, elle me remercia et me demanda mon nom. Prenant la main qu’elle me tendait, je répondis simplement.

- J’m’appelle Ethan. À qui ai-je l’honneur ?

J’appris ainsi qu’elle se prénommait Kim et lorsqu’elle se fut présentée, je rajoutai :

- Et bien chère Kim, il est hors de question que je te laisse rentrer seule chez toi avec le malaise que tu viens de faire. Donc soit tu me supportes, soit j’appelle une ambulance. Comme tu veux.

J’avais parlé d’une voix normale, jugeant inutile de faire preuve d’une autorité mal placée. Mais je m’étais montré suffisamment ferme pour lui faire comprendre que je ne plaisantais pas et qu’il était inenvisageable que je revienne sur ma décision. J’ignorais la cause exacte de son malaise et bien que sa récupération rapide laisse supposer qu’il s’agissait d’un incident sans gravité, je préférais l’accompagner pour le cas où elle se sentirait à nouveau mal sur le trajet.

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Non, c’est leur couleur naturelle

Kim arqua un sourcil fin, mi-amusée, mi-exaspérée. Elle n’était pas convaincue par sa réponse, mais, de toute manière, n’avait pas à l’être. Après tout, ce type pouvait tout aussi bien avoir des yeux étranges, c’était son affaire. La jeune femme haussa les épaules, se renfrognant. Elle n’aimait pas beaucoup les contacts physiques et fut soulagée lorsqu’il s’écarta. Elle n’avait jamais été à l’aise, pas même avec ses amis, lorsque l’un d’entre eux la touchait, aussi anodin que pouvait être le contact. Elle n’eut pas à se forcer pour sourire lorsqu’il se présenta. Il avait une voix qui, instinctivement, lui plaisait, au contraire de certaines, graves et rocailleuses qu’elle ne pouvait supporter.

« Je suis Kim. Kim Sullivan » dit-elle à son tour.

Elle se tortilla, ne sachant que dire. Ce que la jeune femme désirait le plus, c’était rentrer chez elle, se jeter sous une douche bien fraîche et s’abrutir devant un DVD à l’origine douteuse. Kim n’aimait pas les programmes télévisés, qui diffusaient rarement de bons films comme elle les aimait. Elle doutait d’ailleurs fortement que tout étudiant en cinéma regarde la télévision régulièrement. Elle-même en était totalement dégoûtée, d’une part grâce à ses études, d’autre part à cause de son passé. Les médias faisaient toujours autant de cirque autour de ces fichus attentats que c’en était écoeurant. La blonde voulait oublier dans quelles circonstances était mort son père, du moins essayer et avait finit par se résoudre à ne pas le pouvoir.

Le visage fermé, elle contemplait, silencieuse, le comptoir de l’accueil. Sans s’en rendre compte, ses doigts s’étaient resserrés sur le bord de ses manches, et sa mâchoire s’était crispée. Il lui était toujours aussi difficile d’y penser, même sans l’évoquer à haute voix. Elle étouffa un juron et se tourna vers Ethan, qui, manifestement lui avait parlé. Ses paroles mirent un certain temps à l’atteindre et elle fronça les sourcils en comprenant. Lui jetant un regard noir, elle croisa les bras. De nouveau, son fichu caractère avait pris le dessus. C’était désolant de constater à quel point elle n’avait aucune emprise sur elle-même. Pire, c’était alarmant. Un jour prochain, elle finirait par perdre trop vite la maîtrise d’elle-même et ça finirait mal. Mais elle n’en était pas encore là. Tout d’abord, il lui fallait rabattre le caquet de ce camarade un peu trop sympathique à son goût.

« Je n’ai pas besoin d’un chaperon » grinça-t-elle entre ses dents.

Elle releva le menton d’un air fier et s’éloigna à grands pas vers l’accueil. La tête lui tournait toujours mais elle faisait son possible pour l’ignorer. De toute manière, ça ne servait à rien de se laisser aller à son mal. Ca passerait. S’appuyant contre le comptoir, elle s’adressa sans douceur à la secrétaire :

« Appelez-moi un taxi, s’il vous plaît »

Kim rentrerait. Seule. Il ne la forcerait pas à le suivre et puis, elle était de taille à riposter, tant physiquement que verbalement. Sa proposition, même si elle avait été énoncé sans une once d’autorité suffisante déplaisait fortement à la blonde. Son expérience des hôpitaux, acquise dans la douleur et le sang, lui avait laissé un souvenir des plus inoubliables et elle ne comptait pas y remettre les pieds de sitôt. Que ce soit sous la contrainte ou de son plein gré.

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- Je n’ai pas besoin d’un chaperon, grinça-t-elle entre ses dents.

Étrangement, cette réponse ne me surprit pas vraiment. À présent qu’elle avait pleinement retrouvé ses esprits, Kim me semblait être le genre de fille qui ne se laissait pas marcher sur les pieds et surtout qui se méfiait comme de la peste du baratin que la gente masculine de l’université avait l’habitude de déverser. Cependant, si j’avais vaguement prévu cette riposte, je pensais avoir la possibilité d’argumenter. Or la jeune femme ne m’en laissa pas le temps puisqu’elle tourna les talons pour se diriger vers le comptoir de l’accueil.

Tandis qu’elle s’adressait sans ménagement à la secrétaire pour demander un taxi, je m’élançai à sa suite. J’avais remarqué le manque d’assurance de son pas et la façon dont elle vacillait légèrement en s’efforçant de n’en rien montrer. De toute évidence, ma proposition de l’escorter jusqu’à son domicile était plus avisée qu’il n’y paraissait. La jolie blonde était à deux doigts de nous refaire un malaise. Or l’ombre qui était passée sur son visage lorsque j’avais évoqué l’idée de l’emmener à l’hôpital, suggérait qu’il valait mieux éviter que le chauffeur de taxi ait à la conduire aux urgences.

Ce fut cette rapide réflexion qui me poussa à agir. Ça n’allait sans doute pas plaire à la demoiselle mais tant pis. Aux grands maux les grands remèdes comme on dit. Surgissant derrière Kim, je passai mon bras droit par-dessus le comptoir et coupai la communication entre la secrétaire et la compagnie de taxi dont elle venait de composer le numéro. Cette dernière me lança un regard agacé et je m’empressai d’y répondre par un sourire, ajoutant sur un ton d’excuse :

- Désolé de vous avoir dérangée, mais ce ne sera pas nécessaire finalement.

Je me tournai alors vers Kim et si ses yeux avaient pu lancer des éclairs, j’aurais sans aucun doute été foudroyé avant d’avoir le temps de m’en apercevoir. À côté, du regard noir de la jolie blonde, celui courroucé de la secrétaire me semblait convenir au plus tendre des ours en peluche. Cependant, je n’étais pas du genre à me laisser impressionner pour si peu. Aussi d’un ton résigné, je déclarai à l’attention de la jeune femme :

- Je suis navré, mais tu ne me laisses pas le choix.

Joignant le geste à la parole, je m’étais penché en avant. Je passai mon bras droit derrière ses genoux et calai mon épaule au niveau de son ventre avant de la soulever. Une fois redressé, je vins poser ma main gauche en renfort à l’arrière de ses cuisses pour éviter qu’elle ne bascule. Ma prise assurée, je pris la direction de la grande porte.

- Allez en route.

À nouveau, les regards convergeaient dans notre direction. Il faut dire que notre tandem était peu commun et d’autant moins discret que la jeune femme n’appréciait pas du tout d’être portée de cette façon. Elle protestait avec véhémence tout en martelant mon dos de ses poings mais sans parvenir à me faire lâcher prise. Un léger sourire vint flotter sur mes lèvres devant le comique de la situation. Plusieurs minutes s’écoulèrent et j’avais déjà franchi les allées du campus lorsque je sentis que Kim se calmait, sans doute plus par résignation et lassitude que par réelle collaboration. Je demandai alors sur le ton de la conversation.

- C’est par où chez toi ?

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Je te jure que tu vas me le payer. Très cher

Sur Market Street

C’est à deux pas. Enfin, façon de parler. Et je pouvais très bien les faire seule.

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